(Erin) Je dois apprendre à me controler

Déjà une première heure de colle pour moi. On était seulement lundi, 10 heures du matin. Je crois que c’est un record. Je dois apprendre à me contrôler parce qu’à ce rythme, je vais passer tous les week-ends et mes soirs, à faire les corvées.
Aujourd’hui c’est mon professeur de sortilège qui a eu droit de me donner ma première punition de la semaine. Simplement parce que j’ai fait voler une assiette sur la tête d’un élève. C’est pas ma faute si cet élève m’énerve tellement que j’ai envie de lui envoyer des assiettes sur la tête.

Sauf qu’apparemment, il ne faut pas le faire, que c’est pas bien et que ça aurai pu blesser l’élève. Mais, un petit passage à l’infirmerie et tout irait bien. Personne n’est mort suite à une assiette reçue sur la tête pendant un cours de sortilège.

Il est du coup midi quand je sors enfin du dernier cours de la matinée. Et j’avais envie de me poser au soleil, dans le parc, loin des gens. A midi le réfectoire est blindé, et j’ai envie d’être au calme.
Alors j’ai filé vers le parc. C’est à cet instant que j’ai croisé Erin et j’ai poussé un petit cri strident.

- Ohh Erin !

Elle n'a même pas eu le temps de répondre parce que j’étais déjà accroché à son bras et je la tirais dehors pour qu’elle vienne avec moi au parc.

- J’ai eu une matinée horrible. J’ai déjà été collé. On est lundi ! Ma semaine est loin d’être terminée. Surtout que je trouve la punition démesurée par rapport à mon action. Franchement… Le professeur m’aime tout simplement pas. Je ne vois pas d’autres explications.

La pauvre, elle n’a même pas le temps de parler que je venais d’entrer dans un long monologue. Je ne lui laissais même pas le choix de m’accompagner au parc. Mais j’étais juste très heureuse de la voir et j’avais besoin de passer une heure au calme avec une amie.

Une heure, deux heures, trois heures et, enfin, il est l’heure de manger ! Après une matinée de cours, Erin est plus que ravie d’aller se rassasier. Il faut dire qu’elle aime manger presque autant qu’elle aime inventer. C’est donc pleine d’entrain que la jeune femme descend deux à deux les marches d’escaliers pour se diriger vers la grande salle où l’attend un excellent repas.

Soudain, alors qu’elle traverse le hall avec détermination, Erin entend son prénom. Elle a à peine le temps de tourner la tête, qu’une tignasse rousse se rapproche à toute vitesse. Une seconde plus tard, son bras ne lui appartient plus et est fermement agrippé par Roxanne.

« Salut Roxanne. »

Les lèvres d’Erin s’étirent dans un sourire ; en vérité, elle aime bien Roxanne et son impulsivité légendaire. La jeune femme n’a, toutefois, à peine le temps de le penser qu’elle la fait dévier de son chemin initial. Adieu la grande salle et sa nourriture foisonnante, bonjour le soleil du parc et le ventre gargouillant.

Aux explications désorganisées de Roxanne, Erin répond avec un air faussement surpris. Roxanne, déjà collée ? Ça ne l’étonne pas tant que ça. Le fait qu’elle trouve la punition démesurée ? Tout à fait son style.

« Je pense que c’est la lune aussi, tu sais, elle était un quart vide la nuit dernière, ça a dû te porter malchance. » Erin n’y connaît rien en lune et n’y croit absolument comme en témoigne son ton gentiment moqueur. Elle reprend, d’un ton un peu plus sérieux et affectueux. « Je suis certaine que ton professeur n’a rien contre toi mais, d’abord, si tu commençais par le début dans tes explications : qu’est-ce qu’il s’est passé ? D’abord, tu m’expliques, ensuite je te remonte le moral, d’accord ? » Erin se veut logique mais aussi rassurante, elle sait Roxanne parfois un peu dramatique, elle qui pourtant, devrait être habituée aux colles mais elle la sait aussi sensible.

« On se pose là ? », lui demande Erin en désignant un coin d’herbe au soleil. A défaut de manger, autant profiter du beau temps.

Des fois je dois reprendre ma respiration tellement je parle vite et sans interruption. Comme là par exemple. Je n’ai même pas laissé Erin placer un mot que je parle, je parle, et je parle encore. Elle a beaucoup de patience avec moi. Si j’étais dans son cas, je m’aurai déjà mis une gifle pour me dire stop, calme toi.

On est arrivées au parc et elle m’a alors désigné un coin d’herbe pour s’asseoir au soleil, prendre le plein de vitamine, et surtout respirer un bon bol d’air frais.

J’avais rigolé quand elle m’avait parlé de la lune et de son quart vide ou je ne sais quoi. On est nul en astronomie. Notre professeur en avait d’ailleurs marre de nous tellement on ne comprenait rien aux planètes,à ses alignements et à l’influence de Jupiter sur Uranus.


- Moi je suis sûre que c’est surtout à cause de l’inclinaison de Jupiter à 10 degré, par rapport à l’axe de Mars qui se trouve sur le mauvais méridien.

Bon ça n’a aucun sens. Mais l’astrologie tout court n’a aucun sens.
Mais au moins ça m’a permis de rigoler et surtout de me calmer. Alors il était temps que je reprenne de zéro.

- Désolé pour ma scène. J’étais un peu énervée. J’ai fais une bêtise en classe et forcément j’ai été punie. C’est ma faute donc en vrai je peux rien dire.

J’ai souris à ma copine avant de m’allonger sur l’herbe, la tête sur mes mains et les jambes croisées.
Je poussai un soupire de bien être et ma tête s’est tournée vers Erin.

- Et toi tu vas bien ? Pas trop chiante ta matinée ?

Suivant le mouvement, Erin s’assoit en tailleur dans l’étendue d’herbe du parc. Son regard, lui, ne quitte pas le visage de Roxanne. La Serpent Cornu ne peut s’empêcher de rire en entendant la remarque de sa camarade. Elle aime quand l’ironie répond à l’ironie. Grâce à ses paroles l’ambiance semble se radoucir ou, en tout cas, c’est le cas pour les émotions de Roxanne. D’un ton plus sérieux, la jeune femme répond aux questions d’Erin et, paradoxalement, semble résoudre son problème toute seule. Pour alléger l’atmosphère, la Serpent Cornu ne peut s’empêcher de faire une dernière remarque sur le ton de l’humour, un étonnement feint peint sur son visage.

« Nos actes auraient-ils des conséquences ? » Elle sourit franchement un instant. « Tu sais, ça nous arrive à tous de faire n’importe quoi parfois. Moi la première.  »

Elle ne sait toujours pas ce que Roxanne a fait exactement mais elle ne lui tirera pas les verres du nez, en tout cas pas aujourd’hui alors, Erin imite sa camarade et s’allonge elle-aussi sur la pelouse, les yeux face au ciel qu’elle observe avec un plaisir non dissimulé. A défaut de manger, elle peut profiter du passage des oiseaux. Elle ne remarque pas que sa camarade la regarde et seule sa voix la sort de sa contemplation.

« C’était plutôt intéressant. » Erin sortait de longues heures de botanique. « Ma matinée a probablement dû être moins flamboyante que la tienne, tu sais tout le monde écoutait. Sinon, je sèche un peu pour mes inventions en ce moment, j’ai fini la gargouille de poche qui permet d’espionner ses camarades mais ce n’est clairement pas ma meilleure. » Elle laisse une seconde de pause et son ventre ne peut s’empêcher d’en profiter pour gargouiller, un vrai chanteur. « Désolée, je crois que j’ai faim enfin, tu me connais, j’ai toujours faim. »